Squid Game de Dong Hyuk Hwang : pourquoi tant de scandale ?
extrait : l'épreuve du tir à la corde (Squid Game 5/9)
Il y a peut-être un an ou deux, lors de la sortie de la série, un journaliste en avait parlé en ces termes : il avait dit que c'était une série scandaleuse, absolument dégoutante, et que c'était d'une violence obcène. Ces commentaires qui rappellaient ceux donnés à la projection de "La grande bouffe", ne donnaient pas envie de la regarder, et je m'étais laissé influencer. Et puis, ma fille s'est mise à regarder la série...
Effectivement, Squid Game est très violent. Mais le premier épisode passé, on comprend que cette violence n'est pas gratuite, et donc qu'elle n'est pas du tout obcène, comme le prétendait ce journaliste. Car de quoi parle la série exactement ? Beaucoup de thèmes sont abordés. Elle nous parle de cupidité, de corruption morale, de démocratie, de winners et de loosers, de l'argent, du prix de la vie humaine, de mensonge, de haine, de religion, de loyauté et de trahison, de lucidité, de prostitution, de courage, de fragilité biologique, de pénurie de revenus (du travail?), de dissonnance, et de plein d'autres choses encore... Avec tous ces éléments, le réalisateur Dong Hyuk Hwang compose une sorte de tragédie à suspense.
L'histoire : des individus choisis pour leurs niveaux d'endettement se font apâter dans le métro par des recruteurs, pour participer à une sorte d'escape game à plusieurs étapes, tenu dans une île secrète. Les participants en ignorent l'endroit exact, on leur fait juste miroiter qu'ils peuvent prendre un nouveau départ, en gagnant des milliards. Ils sont 456 au départ, et tous sont informés qu'il n'y aura qu'un seul vainqueur. A chaque étape du jeu, les perdants sont incinérés dans des crématoriums rappelant ceux d'Auschwitz, et chaque nouveau décès vient alimenter en liasses de billets de banque une énorme boule tranparente, suspendue 10 mètres au dessus du sol. Les participants peuvent toujours sortir du jeu, s'ils sont une majorité de survivants à le vouloir (1). Mais ils restent, et ceux qui sont restés vivants tentent alors d'éliminer les autres de différentes manières, pas toujours honnêtes.
Au premier stade du jeu, on joue à 1 2 3 soleil, et c'est un massacre pur et simple. A partir du deuxième jeu, les participants ont compris, et on voit apparaître, chez ceux qui n'en étaient pas déjà atteint, la corruption morale, y compris chez des individus qui ne pouvaient pas en être soupçonnés. C'est alors une guerre de tous contre tous, où souvent, les "winners" perdent de leur superbe. Le gagnant, un looser dans la vie, n'évite pas une incursion dans la corruption pour sauver sa vie, en sacrifiant un vieil homme malade, qu'il croit atteint de troubles de mémoire, ce même vieil homme qui se révèlera dans un dernier rebondissement être l'organisateur du jeu !
Pourquoi un tel scandale, pour une série qui nous parle au bout du compte de morale et d'honnêteté ? Je n'ai pas souvenir d'une autre oeuvre qui ait aussi bien décrit les mécanismes existants entre la corruption morale et la pauvreté. Si, une peut-être ! : "les Misérables" de Victor Hugo ! Et on ferait peut-être bien d'oublier la violence prétenduement "scandaleuse" de Squid Game, et préférer y reconnaître ce qui explique la prolifération des actes haineux partout dans le monde occidental : la disparition accélérée des revenus humains et la progression de la pauvreté et de l'endettement dans les pays occidentaux.
Vincent de Blois le 11 01 2025
(1) Ne peut-on voir ici assez clairement, une critique cinglante de la croissance au profit de quelques uns, déjà faite avec brio par Bong Joon Ho (un autre réalisateur coréen !) dans son film "Parasite"